BOULLE André-Charles
Boulle André-Charles (1642-1732) – ébéniste – maîtrise obtenue av.1666 : Célèbre ébéniste de Louis XIV, André-Charles Boulle figure comme le précurseur du mobilier français du XVIIIème siècle. Loin des influences italiennes et flamandes, il élabore les types de meubles et les formules décoratives à l’origine de sa renommée.
Issu d’une famille originaire de la région de Gueldre en Hollande, André Charles Boulle est le fils du menuisier Jean Boulle et le cousin du Suisse Pierre Boulle - ébéniste royal sous Louis XIII. Marié en 1677 à Anne-Marie Le Roux, il est le père de sept enfants. Artiste de talent, il cultive notamment le dessin, la peinture et la sculpture, des disciplines qui lui ouvrent les portes de l’Académie Saint-Luc. Dès 1664, il exerce comme ouvrier libre dans une boutique annexe du collège de Reims, près de l’abbaye Sainte-Geneviève. Lors de son passage à l’Académie, deux de ses tableaux sont livrés à la cour et lui valent d’être remarqué par Colbert, qui le désigne au Roi comme « le plus habile dans son métier ». En 1672, le Roi lui accorde ainsi dans les galeries du Louvre l’ancien logement de l’ébéniste Jean Macé. Très vite, Boulle accède au statut de premier ébéniste du Roi, et le brevet qui lui accorde ce titre le qualifie « d’architecte, peintre, sculpteur en mosaïque, ciseleur-graveur, marqueteur, inventeur de chiffres ». Grâce au privilège accordé par le Roi, Boulle a la possibilité d’exercer des activités réservées habituellement à des corps de métier différents. Dès lors, les commandes s’enchaînent. Boulle livre pour le Roi, la Reine, Monsieur frère du Roi mais aussi à des personnalités comme le prince de Condé, le duc et la duchesse d’Orléans, le duc de Bourbon ou encore la duchesse de Berry. Des collectionneurs comme Pierre Crozat lui passent également des commandes. A l’étranger, il est sollicité par de grands hommes comme Philippe V d’Espagne ou l’évêque de Cologne. Collectionneur acharné, il dépense parfois sans avoir de quoi payer en estampes et dessins.
André-Charles Boulle s’impose comme le grand maître de la marqueterie d’écaille et de cuivre qui prend son nom – même s’il n’en est pas l’inventeur. Il les réalise dans ses ateliers où s’activent de nombreux ouvriers - des menuisiers-ébénistes aux marqueteurs, des ciseleurs aux doreurs. Dans le parti décoratif qu’il en tire comme dans la précision de son travail, on découvre des meubles d’une très grande qualité. Sa découverte la plus originale réside dans le découpage d’une plaque de cuivre et d’une feuille d’écaille blonde de tortue, ensemble selon le dessin choisi, plaques qui permettent d’obtenir deux panneaux à la fois semblables et différents. Dans le premier dit en « première partie », le décor se présente en cuivre sur fond d’écaille et dans le second, dit « en contrepartie », il se présente en écaille sur fond de cuivre. Les rinceaux étirés aux multiples vrilles et feuillages stylisés ainsi obtenus présentent une finesse, une rigueur de dessin, une netteté et une grande régularité. Boulle se présente aussi comme un ingénieux inventeur de bronzes qu’il travaille aussi bien dans leur abondance que dans leur emploi généralisé. Sur ses ouvrages, ils revêtent un caractère utile - en tant de protecteur d’angle, charnières ou pieds – mais aussi décoratifs : mascarons, griffes, motifs feuillagés, frises, encadrements de panneaux ou encore bas-relief de personnages ou de scènes allégoriques ou mythologiques. Aux décors de meubles s’ajoutent également des objets d’ameublement en bronze comme la pendule, le cartel, bras de lumières ou encore encriers. Dans l’ensemble, son œuvre va suivre l’évolution du goût de l’époque : ses premiers ouvrages, monumentaux et architecturés composés de grandes armoires et commodes, relèvent du goût classique codifié par Lebrun. Au XVIIIème siècle, il se décide pour des formes plus souples de même que pour des décors plus fantaisistes où l’on retrouve les grotesques mis à l’honneur par Bérain. A côté de ses meubles en ébène marquetés de cuivre et d’écaille, Boulle réalise aussi quelques œuvres en placage et en marqueterie de différentes essences de bois comme le bois des Indes ou du Brésil. L’ébéniste pratique également le bois de violette en motifs géométriques tout en sobriété. Enfin, aucune des œuvres de Boulle n’est estampillée.
En proie à de cruelles difficultés financières, André-Charles Boulle est incité en 1715 à céder la totalité de ses biens à ses fils. Dès lors, même s’il ne la possède plus, Boulle ne cesse de s’occuper de son entreprise et en reste sans doute le maître d’œuvre. Après l’incendie qui ravage son atelier et une grande partie de ses collections en 1720, il prend la décision de le reconstruire et poursuivra ses activités jusqu’à son décès. Deux de ses fils lui succèdent aux galeries du Louvre, deux ouvrent leur propre atelier. Tous poursuivent son œuvre.
Pierre Lemaitre
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